La bicyclette, c'est joli, très joli, alors que, le logis clos, l'on peut s'en aller, à l'aventure, sans laisser derrière soi personne à qui notre départ soit une souffrance ou presque une offense. Mais quand on est deux. la bicyclette, c'est déjà moins joli. Madame ne pouvant s'accorder aux exploits de Monsieur, ni accepter d'une âme joyeuse ses départs solitaires. Sous peine d'être un instrument de discorde, la bicyclette n'est plus possible que pour des promenades peu lointaines aux environs de la demeure ou pour de brèves excursions aux alentours d'une villégiature estivale. Et voilà le grand tourisme interdit au jeune ménage qui ne cesse pourtant d'en rêver, --- le tandem, peu pratique pour Madame, devenant vite en horreur à Monsieur qui n'a qu'une vocation médiocre pour le métier de cheval auquel le contraignent les harassants kilomètres et les côtes à profils rébarbatifs.
Je sais bien qu'il y a les 12, les 16, les 24, les 40 et les 100 HP qui vous dévorent avec un égal entrain des kilomètres nombreux et des sommes non moins nombreuses. Hélas ! l'automobile présuppose des rentes sérieuses. En même temps qu'elle immobilise un capital important, elle prépare des notes de frais qu'une caisse bien fournie peut seule accepter sans défaillir. Les bourses modestes et sages doivent contempler l'automobile de loin et n'y point toucher.
Et pourtant, s'en aller à deux, Monsieur et Madame, par les grandes routes, sans faire au portefeuille de trop barbares saignées, tout en réservant à Monsieur les joies d'un instrument parfait à diriger parmi les grands espaces, les beaux paysages et les cités espérées; ---tout en offrant à Madame une sécurité et un confort qui doubleront ses joies --- c'est là le rêve qui persiste.
Irréalisable, ce rêve ? Que non pas. Il n'est plus besoin de jeter au gouffre dévorant de l'automobile des milliers de francs plus nombreux que les chevaux-vapeur de la voiture... Pas même deux billets de mille, et Monsieur, avec Madame, peuvent s'en aller, sans crainte de pannes, sans souci de la fatigue et sans peur des dépenses enfin réduites à un strict minimum, pour courrir en commun, durant des jours et des jours, sur toutes les grandes routes de France...grâce à l'instrument rêvé, robuste, vite, souple, simple et pratique : le TRI-CAR.
Un fort chassis suspendu, une roue motrice à l'arrière, deux roues directrices à l'avant, un siège-baquet confortable entre les roues directrices, un autre siège-baquet vers la roue arrière, un volant de direction, des leviers de vitesses et de freins, les cinq infatigables petits chevaux d'un excellent moteur --- et voilà Madame paisiblement au fauteuil d'avant, Monsieur gravement calé au fauteuil d'arrière, de quoi s'en aller par monts et vallées, durant des semaines, sans qu'il vous en coûte guère plus que de vivre en quelqu'un de ces trous dits pas cher où l'on paye à beaux écus sonnants le droit de bâiller du matin au soir...
L'instrument, qui circulera demain par milliers, n'exige pas que l'on soit docteur en mécanique. Quelque intelligence, un peu de soin, un brin d'attention, le bref apprentissage nécessaire, et Madame est aussi capable de le conduire que Monsieur. Il est vigoureux, fidèle et obéissant. Ses goûts sont modestes. Quelques litres d'essence, quelques lampées d'huile, un seau d'eau, et il vous abat, d'un lever à un coucher de soleil, par tous les temps et par tous les chemins, des centaines de kilomètres dans un style coquet de 30 à l'heure de moyenne...Vouloir plus, vouloir mieux, ce serait demander la lune, la lune automobile...
D'ailleurs le tri-car a fait ses preuves ! ...Et quelles preuves. Il n'est pas de couples touristes qui puissent rêver d'autres exploits. On l'a vu faire un premier tour de France en 1905 et emporter deux personnes durant cinq mille kilomètres...Il détient des records de vitesse en côte et en palier, des records de régularité, des records d'endurance,--- sans compter le record de la simplicité et de l'économie qui sont parmi les plus appréciables. Mais, si le tri-car est le type de la machine exactement adaptée aux besoins du couple touriste, l'Austral est, lui, le type même du tri-car à son stade le plus parfait.
Au cours de l'inoubliable Tour de France 1906, à Orléans, Poitiers, Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Marseille, Avignon, lyon, Besançon, Nancy, Reims, Amiens, Paris, durant ces treize étapes qui allongeaient de Paris à Paris, un ruban de 2600 kilomètres, l'Austral a laissé derrière lui, derrière les trois éternels premiers qui assuraient à la marque la triple victoire définitive, tous ses concurrents ! Enfin, pour prouver ses qualités de grimpeur, l'Austral atteignait le sommet du mont Ventoux, escaladant sans souffler, seuls parmi ses pareils, vingt kilomètres d'une côte qui atteint parfois plus de 14% de pente et dont le sommet est à près de 2000 mètres d'altitude !...Un rien.
Si ce ne sont pas là des titres de noblesse, qu'on en cherche. Je sais peu d'engins puissants qui vaillent, toutes proportions gardées, cet outil aussi parfait que modeste, et qui ramasse dans une simplicité heureuse toutes les qualités essentielles d'un admirable instrument de grand tourisme automobile à deux.
L'automobile est trop chère. La motocyclette est une égoïste. La bicyclette est impossible à Madame. Qu'importe. Voici le tri-car, peu coûteux, solide, rapide, simple et confortable --- le tri-car, trait d'union en automobilisme comme en ménage. Qui, demain, pouvant extraire deux heureux billets de mille d'un portefeuille soucieux du bon usage de son contenu, qui, diable, n'aura pas son tri-car?.....Personne!
Théodore CHEZE